Le dossier médical informatisé ressort des cartons. Crédits photo : AFP. Chaque patient devrait pouvoir ouvrir le sien fin 2010. On efface tout et on recommence. Destiné à éviter examens inutiles et mélanges inappropriés de médicaments, le dossier médical personnel (DMP) devait être un pilier de la réforme de l'Assurance-maladie de 2004, menée par Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand. Il a été un fiasco : censé équiper chaque patient à la mi-2007 (les récalcitrants auraient dû alors voir baisser leurs remboursements !), il n'a en réalité jamais dépassé le stade de l'expérimentation dans quelques régions. Une nouvelle structure, l'Agence des systèmes d'information partagés de santé (Asip Santé) est chargée par le gouvernement de relancer le chantier. Elle regroupe ministère de la Santé, Assurance-maladie et, depuis quelques jours, Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Elle mène actuellement un appel d'offres pour sélectionner le futur «hébergeur» des dossiers électroniques, c'est-à-dire le prestataire qui conservera sur ses serveurs informatiques ces données. Car l'idée reste celle d'un dossier en ligne et non pas sur un support détenu par le patient comme une clé USB. L'architecture a toutefois été simplifiée puisqu'un seul hébergeur centralisera les dossiers, alors que plusieurs étaient prévus dans la précédente tentative. «Le prestataire sera désigné début mars, précise Jean-Yves Robin, directeur de l'Asip. Il faudra ensuite aller vite puisque l'infrastructure devra être prête à la fin de l'année.» Parallèlement, l'agence fixera des standards pour que les logiciels utilisés par les médecins deviennent compatibles avec le système. Stratégie prudente. «Nous visons l'ouverture des premiers dossiers fin 2010, poursuit Jean-Yves Robin. Ensuite, nous ne fixons pas d'objectif chiffré sur le nombre de dossiers à court terme : les Français mettront peut-être deux ans, peut-être beaucoup plus pour s'approprier cet outil.» Une stratégie plus prudente que la précédente, dont l'échec peut nourrir un certain «scepticisme», reconnaît le directeur de l'Asip. L'agence, qui emploie 120 personnes et dispose d'un budget annuel de 90 millions, dont les deux tiers pour financer des projets, couvre toutefois un champ plus vaste. Elle doit jouer le rôle de coordinateur pour encourager l'usage de l'informatique dans la santé et le médico-social. Elle vient, par exemple, de superviser une révision des systèmes informatiques et téléphoniques des Samu, pour diminuer le risque d'engorgement des centres d'appels face à la grippe. Un autre projet doit démarrer rapidement : l'instauration, d'ici à 2012, d'un compte rendu de sortie d'hospitalisation informatisé, standard, destiné au médecin traitant. ** Un dossier médical personnalisé pour 2010. Marc Landré. 10/04/2009 | Mise à jour : 16:41. «Le dossier médical personnel sera l'outil de liaison entre les professionnels des différentes disciplines. Il permettra d'ajuster les traitements et de prévenir les complications», précise la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Crédits photo : Le Figaro. Le DMP sera facultatif et fournira des services à haute valeur médicale. Roselyne Bachelot a tout repris à zéro. Ou presque. Après deux ans d'atermoiements, la ministre de la Santé a annoncé jeudi la relance du dossier médical personnel (DMP) dont les prémices remontent à la réforme en 2004 de l'Assurance-maladie et la généralisation était prévue, initialement, pour juillet 2007. Cette fois-ci, promet le gouvernement, le dossier électronique qui retrace le parcours médical d'un individu au long de sa vie sera généralisé en 2010 après une nouvelle phase d'expérimentation. «Il ne s'agit pas de se contenter de présenter les données de santé de chacun, mais de les utiliser pour apporter des services aux patients», a expliqué Roselyne Bachelot. Et la ministre d'illustrer ses propos en démontrant ce que le DMP pourrait, par exemple, apporter aux deux millions de diabétiques en France. «Le DMP sera l'outil de liaison entre les professionnels des différentes disciplines qui les suivent (médecin traitant, cardiologue, infirmière, ophtalmologue.). Il permettra d'ajuster les traitements et de prévenir les complications.» Phase d'expérimentation. L'objectif est clair : «Améliorer le parcours des soins», et non faire des économies. Des projets seront lancés dans les prochaines semaines dans quelques Régions (Aquitaine, Rhône-Alpes, Franche-Comté, Picardie.) afin de «tester des services spécialisés à forte valeur médicale» comme la mise à disposition d'une synthèse médicale de chaque patient, le suivi du diabète, la prescription électronique de médicament. Ce n'est qu'à l'issue de cette nouvelle phase d'expérimentation - la précédente date de 2005 - qu'une «première version nationale du DMP» sera déployée en 2010. Elle retracera les antécédents médicaux du patient, ses allergies, ses prescriptions, ses résultats d'examens. Et fournira des services comme la réception des résultats d'analyse, le rappel des vaccins ou des programmes d'accompagnement thérapeutique. Contrairement au projet initial, l'ouverture d'un DMP sera facultative. La ministre déposera un amendement lors du débat au Sénat sur le projet de loi «hôpital, patients, santé et territoires» afin de supprimer les sanctions prévues pour les patients refusant le DMP. Les Français pourront en ouvrir un chez leur professionnel de santé et à l'hôpital. La consultation se fera sur Internet. Chaque titulaire disposera pour y accéder d'un identifiant de santé, différent de celui de la Sécurité sociale, et d'un mot de passe. Les professionnels de santé ne seront pas obligés d'alimenter le DMP en données. «La loi les invite à le faire», a précisé, sourire aux lèvres, Michel Gagneux, le président du groupement d'intérêt public DMP. Autre point noir, les patients pourront masquer certaines informations de leur passé, sans indication que des données ont été effacées. En trois ans, le DMP aura coûté 74 millions d'euros et la note devrait grimper à 100 millions par an dans les prochaines années. «Personne ne sait combien il coûtera au final», a avoué Michel Gagneux. Xavier Bertrand avait estimé en 2006 à 1 milliard le coût de son déploiement. Un budget de programme pluriannuel sera établi à la fin de l'année. ** Le dossier médical contesté par le comité d'éthique. Le comité national estime que le dossier médical personnel informatisé ne devrait pas être généralisé, pour des raisons d'efficacité et de confidentialité. En 2004, Philippe Douste-Blazy, lors du énième plan destiné à faire des économies de santé, lançait l'idée du dossier médical personnel (DMP). Il s'agissait de consigner, dans un dossier informatisé accessible aux médecins, le parcours médical d'un individu tout au long de sa vie. Et cela avec un double objectif : améliorer la qualité des soins (en permettant aux praticiens de repérer vite les éventuelles allergies, les traitements en cours, les antécédents médicaux) et réduire les coûts (en évitant les examens redondants et inutiles). Avec l'avancée de la réflexion sur ce sujet, la conception du DMP est devenue de plus en plus complexe, prévoyant notamment le consentement du patient pour l'ouvrir et l'alimenter, et la possibilité pour lui de masquer certains événements de santé qu'il refuse de dévoiler. Le dossier médical personnel a peut-être été une excellente idée, mais celle-ci semble en train de sombrer dans les méandres des difficultés techniques, économiques et désormais éthiques. Le 19 mars dernier, le Comité consultatif national d'éthique a été saisi par Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, à propos notamment du DMP et des risques de perte de confidentialité induits par l'accès électronique des dossiers du patient par le personnel de santé. La réponse présentée jeudi met en cause le principe même du dossier médical personnel. Le Comité, dans son ensemble, estime que «le DMP, tel qu'il est proposé, ne permettra pas d'atteindre le but poursuivi, à savoir d'associer une meilleure coordination des soins conduisant à l'amélioration de leur efficience et de leur qualité, avec une meilleure utilisation des dépenses de santé pour un coût identique ou diminué.» Un gouffre économique. Il soutient que le DMP, dans sa conception actuelle, ne peut être adopté pour chaque citoyen à l'échelle nationale, mais pourrait être proposé notamment dans certaines conditions aux personnes volontaires, atteintes de maladies nécessitant l'intervention de nombreux professionnels. Cette position pourrait contribuer à remettre en question ce projet qui s'est déjà révélé être un gouffre économique et qui devrait, s'il est finalisé, nécessiter un financement de plus d'un milliard et demi d'euros. Pourquoi une position aussi tranchée ? Pour le comité d'éthique, le dossier médical personnel tel qu'il est conçu présente certaines limites, notamment du fait de la possibilité de «masquage» d'informations par le patient, pourtant indispensable, car garante de sa liberté et de son autonomie. Ce «masquage» lui offre la certitude qu'un épisode de toxicomanie, une interruption médicale de grossesse ou une dépression figurant dans son dossier ne deviendront pas des armes utilisées contre lui par son employeur, son assurance, sa banque. «Quelle serait l'utilité d'un dossier dont le titulaire aurait décidé d'effacer certaines informations qui pourraient être essentielles à sa prise en charge médicale ? s'interroge le comité. Par ailleurs, si le malade est inconscient, le médecin peut s'arroger le droit de «bris de glace», c'est-à-dire de consultation de son dossier, sauf si le patient s'y était opposé lorsqu'il était conscient. «Le masquage et l'opposition au bris de glace sont des expressions d'un principe d'autonomie dont le respect peut, le cas échéant, aller à l'encontre de l'intérêt du patient», peut-on lire dans cet avis. Outre ces limites, le dossier médical personnel risque de mettre à mal le caractère strictement confidentiel des données de santé. «En dépit des précautions prises par les concepteurs de programmes informatiques, des possibilités de subtilisation de données confidentielles existent. La crainte persiste que des données personnelles puissent voyager via Internet, qu'elles puissent être récupérées par exemple par des assureurs ou des employeurs potentiels. L'accès au dossier médical pourrait aussi jouer comme un piège pour la personne dans ses relations avec une compagnie d'assurance ou une banque.» Cette charge contre le dossier médical personnel pourrait lui être fatale. D'autant que le Conseil national de l'ordre des médecins s'est aussi longuement penché sur cette question au cours des années précédentes, en s'inquiétant des dérives possibles d'un tel dossier et en s'interrogeant en particulier sur la possibilité pour le médecin de tout écrire, comme une suspicion de maladie d'Alzheimer ou le pronostic péjoratif d'un cancer, que le patient n'a pas forcément envie d'entendre. source: le figaro.fr